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Gilets Jaunes, où en est-on ? [19 décembre à 19H, salle polyvalente des Mollettes]

COVOITURAGE

En présence des auteurs du livre « sur la vague jaune, l’utopie d’un rond-point »

Après un an d’existence le plus long mouvement social de l’histoire de France continue.

Est-ce excessif ? Rien n’a véritablement changé au quotidien. L’augmentation du carburant n’a été que l’étincelle qui a réveillé le malaise profond d’une population délaissée, largement représentée par les femmes traditionnellement moins disponibles pour la lutte. C’est dire si le ras le bol est grand.

Est-ce ridicule ? Le pouvoir a vacillé, il a dû faire des concessions, quelques miettes vite digérées. Il a surtout montré sa fébrilité, son incapacité à résoudre la crise autrement que par l’usage disproportionné de la violence d’État.

L’agenda gouvernemental est certes bousculé mais pas modifié.  Que faut-il de plus ? Courage, persévérance et même  intuition ou esprit critique, les GJ n’en manquent pas. Mais ce n’est qu’une minorité qui bouge de semaine en semaine, de réunions de groupes locaux en rassemblements sur les ronds-points. Activités peu visibles aux yeux d’une majorité spectatrice et souvent blasée qui n’envisage pas que l’effondrement puisse advenir malgré 30 ans de dégradations des conditions de vie, des services publics que l’on sabote et des biens communs que l’on  pille.

L’agrégation a du mal à se faire avec les classes moyennes plus éduquées qui, à quelques exceptions près, continuent à ignorer voire mépriser la France des catégories populaires. Plus le temps passe, plus la méfiance croît chez certains GJ de la première heure pour beaucoup primo-manifestants. Certains ont déserté l’action laissant place à des militants plus aguerris mais qui –sincères ou arrivistes– ont compris que les corps intermédiaires traditionnels étaient dépassés et/ou inadaptés. Les syndicats de salariés ne représentent pas ou peu les retraités, les chômeurs, les indépendants, les artisans…

La convergence ?  Oui, mais nous voulons garder notre particularité apolitique clament certains. Rien de plus compréhensible mais que font-ils si ce n’est justement de la politique, radicalement, sans les outils traditionnels du vote ou des médias qui ont montré leur inefficacité voire leur duplicité depuis plusieurs décennies. Les rares initiatives citoyennes existantes sont tellement sous contrôle de lobbys et de manœuvres des exécutifs qu’elles s’apparentent  à un parcours du combattant  quand elles n’échouent pas pour cause de trop grande improvisation ou de changement de règles en cours de route.

Le mouvement ressent le besoin d’évoluer mais peine à se structurer, il lui faut du temps. Entre les figures nationales médiatiques, autoproclamées, les franges complotistes, certains essaient de bâtir une alternative politique à travers des assemblées locales fédérées en assemblée des assemblées. Là encore les sensibilités sont plurivoques. Entre souverainistes  de tous bords et communalistes libertaires le foisonnement est riche mais le dialogue difficile pour gommer les clivages. Le débat n’est souvent pas suffisant pour aller au fond des choses, de peur peut-être de révéler trop d’antagonismes ou par manque d’accès à des données et des connaissances économiques précises.

Le pouvoir d’achat, le respect de la dignité largement partagés se mêlent à des revendications politiques de démocratie directe et des projets économiques de sortie du capitalisme qui ne font pas l’unanimité tant cela bouscule nos habitudes et le monde (la France) que l’État, les instances supranationales et le marché nous imposent.

L’histoire ne ressert pas les plats, elle s’écrit sous nos yeux. Où serons-nous dans un an ?



sociologie des milieux populaires, dans la jeunesse. (extraits accessibles sans abonnement)

 

Noiriel_postface_2019_Histoire populaire de la France

Une philosophie du mépris (Monde diplo, mars 2019)