Barbara Stiegler

Dans cette période troublée, la seule boussole possible serait-elle à trouver sur internet, dans la forêt des positions de spécialistes en épidémiologie ? Se faire un point de vue dans des discussions contradictoires entre des professionnels dont on écoute avec difficulté les arguments qui nous dépassent ?

tract Gallimard du 14/01/2021

Barbara Stiegler, philosophe qui travaille sur la politique de santé publique a publié en début d’année un « tract Gallimard », petit livre facile d’accès, de la démocratie en pandémie. Cette approche, globale et raisonnée, permet de prendre une distance avec les invectives et les positions tranchées. Elle s’en explique dans une interview très claire qu’on ne peut que recommander pour dépassionner le débat, au préalable.


verbatim vidéo de la soirée :

si vous désirez découvrir le compte-rendu de la soirée en haute résolution, penser à cliquer sur vimeo, en bas à droite de l’image ci-dessous, sinon cliquer sur la flèche en bas à gauche et vous lisez ici, dans le site


[On avait pensé l’inviter mais cela tomberait sous le coup du passe sanitaire, puisque ce serait une activité culturelle ou de loisir, donc impossible pour nous qui nous refusons à cette contrainte, voir plus bas]

Les amis du Monde diplomatique de Savoie proposent que l’on discute entre nous de cette approche pour réintroduire un peu de politique dans l’affaire.

Notre ami Robert, médecin présent à la séance de constitution des AMD-Savoie, se propose, à notre demande, de clarifier l’aspect médical de la question et de répondre aux légitimes inquiétudes que fait naître la campagne médiatique, entretenant la panique dans la population.

Enfin, l’ami Daniel, toujours au fait des aspects juridiques et politiques, proposera aussi une analyse du passe sanitaire pour l’occasion, dont ce détail :

Il se trouve que parler de politique sanitaire, surtout en ce moment, constitue une activité politique. Il s’agira donc d’un rassemblement politique, situation pour laquelle, c’est explicitement précisé, il n’est pas autorisé de demander la présentation d’un passe sanitaire. Nous nous conformerons à la loi puisque l’entrée sera libre. On veillera à respecter les gestes barrières pendant la tenue de la réunion, pour respecter tant les convictions de chacun que la loi.

On apporte à boire, à manger et à penser. Réunion courante des AMD quand il n’y a pas d’invité extérieur, donc on pensera à se munir de quelques victuailles pour tenir le coup pendant les discussions, quelques bouteilles seront les bienvenues, et même de l’eau, soyons fous. Et nous partagerons les idées et les agapes au Passage (35 rue du Verger, à 20 mètres de l’Astrée, prendre à droite de l’entrée du cinéma).


édito du Diplo du mois d’août

Dictature numérique

par Serge Halimi 

Bienvenue en Chine occidentale! L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que les États s’emploient à convaincre de l’utilité — incontestable — du vaccin contre le Covid-19 plutôt que d’user de la contrainte. Mais M. Emmanuel Macron en a décidé autrement. Ce président qui ne cesse de pourfendre l’«illibéralisme» ne conçoit les libertés publiques que comme une variable d’ajustement. D’ailleurs négligeable, et destinée à s’effacer derrière toutes les urgences du moment — médicales, sécuritaires, guerrières. Interdire à des millions de personnes de prendre le train, de commander un plat en terrasse, de voir un film en salles sans avoir prouvé qu’elles n’étaient pas infectées en fournissant le cas échéant, dix fois par jour, une pièce d’identité que le commerçant devra parfois vérifier lui-même nous fait entrer dans un autre monde. Il existe déjà. En Chine, précisément. Les agents de police y disposent de lunettes de réalité augmentée qui, reliées à des caméras thermiques placées sur leurs casques, permettent de repérer une personne fiévreuse dans une foule (1). Est-ce cela que nous voulons à notre tour?

En tout cas, nous entérinons plutôt benoîtement l’invasion galopante du numérique et du traçage de nos vies intimes, professionnelles, de nos échanges, de nos choix politiques. Interrogé sur les moyens d’éviter que nos données, une fois nos téléphones portables piratés, ne deviennent des armes braquées contre nous, M. Edward Snowden a déclaré : «Que peuvent faire les gens pour se protéger des armes nucléaires? Des armes chimiques ou biologiques? Il y a des industries, des secteurs, pour lesquels il n’y a pas de protection, et c’est pour ça qu’on essaye de limiter leur prolifération.»

C’est tout le contraire que M. Macron encourage en précipitant le remplacement des interactions humaines par un maquis de sites administratifs, de robots, de boîtes vocales, de QR codes, d’applications à télécharger. Dorénavant, réserver un billet, acheter en ligne, exige à la fois une carte bancaire et la communication de son numéro de téléphone portable, voire de son état civil. Il fut un temps, qui n’était pas le Moyen Âge, où l’on pouvait prendre le train en demeurant anonyme, traverser une ville sans être filmé, se sentir d’autant plus libre qu’on ne laissait derrière soi nulle trace de son passage. Et pourtant, il y avait déjà des enlèvements d’enfants, des attentats terroristes, des épidémies — et même des guerres.

Le principe de précaution ne connaîtra aucune limite. Est-il très prudent, par exemple, de côtoyer dans un restaurant une personne qui aurait un jour voyagé au Proche-Orient, éprouvé des bouffées délirantes, participé à une manifestation interdite, fréquenté une librairie anarchiste? Le risque de ne pas terminer son repas à cause d’une bombe, d’une rafale de kalachnikov ou d’un coup de poing dans la figure n’est pas énorme, mais il n’est pas nul non plus… Faudra-t-il donc bientôt que tous les passants présentent un «passe civique» garantissant leur casier judiciaire vierge et l’aval de la police? Ils n’auraient plus ensuite qu’à errer tranquilles dans un musée des libertés publiques, devenues «territoires perdus de la République».

Serge Halimi

(1) Lire Félix Tréguer, «Urgence sanitaire, réponse sécuritaire», Le Monde diplomatique, mai 2020. Cf. aussi La Quadrature du Net


et pour aller plus loin :

et pour ces mots qui deviennent à la mode, comme complotiste, un rappel d’un texte de Frédéric Lordon :

https://blog.mondediplo.net/2012-08-24-Conspirationnisme-la-paille-et-la-poutre

Barbara Stiegler parle par deux fois de « nudge unit », unité mise en place par le président à son arrivée. De quoi s’agit-il ?

la vaccin, une solution miracle ?

et pour être (encore) plus dubitatif et pessimiste, dans un État autoritaire mais impuissant :

(la vidéo commence à 4’40)